Morale ? Comme c’est étrange ! [TOI FR]

Morale ? Comme c’est étrange !

Publié le 2 juillet 2017 dans le “Times of Israel Français”

Que de péripéties surprenantes se sont emparées du pays de France ! Il s’en passe des choses renversantes dans la plus grande république d’Europe occidentale où les régions se sont unies après des siècles de guerres sanglantes, soumises à des influences étrangères, des jalousies tenaces, des règnes d’une Europe morcelée.

La Bretagne était en vogue au seuil des dernières périodes électorales où la nation élisait ses représentants à l’Assemblée nationale. On évoquera évidemment la percée soudaine de la Picardie, le plat pays hexagonal, la Providence extravagante qui s’est géolocalisée à Amiens, maillant des héritages venus des Pyrénées et des Hauts-de-France.

Les nouveaux élus fleurent la France en action : on assiste à l’émergence de professions diverses, des agriculteurs, certes peu nombreux, mais aussi des policiers, des professions libérales, des jeunes à peine diplômés, parfois des très jeunes dont l’engagement politique est plus ancien que leur parcours de formation professionnelle. Il y a aussi du neuf dans les intonations : on remarque les accents, plus sensibles pour les nouveaux parlementaires venus du Sud, encore que l’Est soit perceptible.

Un besoin irrépressible de ruralité vraie, manquée pendant le temps si long des campagnes électorales, sinon qu’elle fut représentée par le truculent candidat béarnais, Jean Lassalle, aux saveurs de marcassins et de miel sauvage. Et puis… vous savez ce que c’est, le temps passe, le temps a passé et il passera sans doute en rattrapant au passage des organigrammes politiciens si typiques de l’Hexagone.

Le Béarn et la Bretagne posent de réels questionnements et tentent de laver plus blanc que blanc les noirceurs supposées de politiciens présumés innocents mais dénoncés comme des gens verreux, corrompus, malsains et nuisibles dans le contexte retraité du paysage politique français.

On se gave de projets sur le bien commun, certains se gaussent ou conceptualisent en ligne le besoin de pureté de la Maison commune, comme un monde habité où la verdure chasserait les hydrocarbures, l’écologie se ferait sensible, indispensable. A bien y réfléchir, peut-être est-ce ce projet purificateur qui expliquerait la soudaine apparition substantielle de femmes députées du peuple et d’un nombre croissant de femmes ministres.

Voilà que la France s’esbaudit avec hardiesse et étonnement au nouveau concept porteur du chamboule-tout qui rend soudain muet, suscite des bégaiements, des affirmations trop hypothétiques.

Heureusement, les défaillances sont de tout temps ou hors-temps, si bien que les catachrèses engluées depuis des années dans les circuits médiatiques, rarement recyclées, finissent par déraper lamentablement. Un chroniqueur à tout faire, naturellement de droite sinon d’extrême-droite évolue ainsi, comme tant d’autres selon les fréquences d’opinions en mutation, vers un « macronisme probable et captivant » (sic). Encore le fait-il souvent sans vraiment s’intéresser à la vraie densité humaine du mouvement En Marche !

Il y a eu un moment saisissable ou plutôt impayable (de rire) : lorsque les chroniqueurs d’une émission nationale, échafaudant sur les sentiments de toutes et de tous les politiciens, politiciennes et ministrables, voire les nouveaux appelés et les nouvelles élues, parlaient lentement de chacune et de chacun comme pour essayer de scruter un passé vraiment dépassé.

Les pronostics se réduisent au court-terme. Il est plus facile de signaler les dénonciations anonymes au service de la nation et de son sens de la moralisation. Là, les ficelles sont simples : convocation, police, mise en examen, tout un saint frusquin que les catachrèses ont manié depuis des lustres… et puis, on verra bien.

Ici, on ne voit plus : quand cinq chroniqueurs admettent ne connaitre le parcours que de deux, trois personnes dont la vie est depuis longtemps notoirement publique, les autres leur semblent des personnes de peu d’envergure même si elles sont bardées de tous les diplômes de la méritocratie française post-napoléonnienne et gaullienne.

Bref un monde, des personnels actifs, des vrais acteurs de la société dont ils ne connaissent rien. Il y aura toujours les fourmis rompues à toutes les expériences, disent-elle, qui expliqueraient que les enfants de l’Université ont été broyés tandis que l’Etat préférerait les Grandes Ecoles… tout est bon pour une forme de contestation un peu puérile.

Le changement, c’est aussi l’incurie actuelle des responsables des médias français. Il est grand temps de procéder à quelques mises à jour et sortir du ghetto d’un pouvoir, de plus en plus étriqué, de spécialistes chroniqueurs et journalistes accrédités au Palais Bourbon et autres Institutions de la République.

Le défi de la moralisation est à la mode. On évoque depuis plus de trente ans des processus de bifurcation, mais est-ce à dire que l’establishment politicien français soit davantage au-dessus des magouilles et des passe-droits classiques ?

La maladie d’amoralité citoyenne au service de l’Etat, de soi-même, des siens et affiliés ronge beaucoup trop profondément le tissu administratif et les instances de gouvernement, à des niveaux divers, de la société. Certes, les pays scandinaves en sont arrivés à un contrôle extrêmement strict, précis, intrusif qui laisse peu de liberté d’action, sinon même de « crédit » de confiance aux représentants élus du Royaume de Suède.

Dans un pays qui afficherait une image libertaire (mœurs, égalités des êtres vivants et autres), le contrôle fiscal vient étrangler – au nom de la responsabilité civile mesurable à l’aune des dépenses – le droit à l’innovation parlementaire, sans tenir compte des vrais bénéfices au service du « peuple ».

En Israël, on sait que la société vit sur des bases en évolution. Il y a un réel contrôle de l’Etat hébreu et des moyens trop flexibles de circonvenir à la Loi en raisons des impératifs d’une nation en construction, dont les sources de revenus sont multiples, jouant sur plusieurs panneaux fiscaux et financiers, rarement uniquement basés en Israël-même.

Les fonds circulent avec une très grande fluidité qui, par moments, selon les lieux et les époques, peuvent gravement virer à des systèmes maffieux, surtout depuis la chute du communisme et la venue d’immigrants de pays de grande pauvreté.

Il n’en reste pas moins que la Cour Suprême (Bagatz/בג »ץ – בית המשפט העליון – Beyt HaMishpat HaElyon) tente, dans un climat souvent contesté, de réguler et de corriger certaines dérives. De nombreux députés, ministres sont régulièrement contrôlés, certains emprisonnés. La tâche de contrôle est d’autant plus difficile à réaliser que les codes moraux en vigueur reconnaissent des droits coutumiers très diversifiés.

En l’absence d’une Constitution définie, Israël dispose d’un arsenal qui combine différents systèmes juridiques issus du droit romain, napoléonien, britannique avec des éléments venus d’Allemagne. Le tout doit aussi tenir compte – encore que ! – des règles halakhiques issues de la tradition judaïque.

Il convient alors d’ajouter le droit musulman (la Charia qui est fondamentale dans les Territoires palestiniens) et les principaux articles des droits canoniques chrétiens selon les Eglises locales (orthodoxe grecque, arménienne, catholiques reliées directement au Saint-Siège, ou aux Ordre majeurs comme la Custodie franciscaine de Terre Sainte (elle couvre un vaste territoire proche-oriental : Chypre, Syrie, Jordanie, Israël, Palestine, Sinaï et autres) ou des anciens patriarcats orientaux (Melkites, Syriens catholiques et orthodoxes), copte et éthiopien (anciennement « abyssins »).

Il y a actuellement une tendance qui se fait jour dans le but de neutraliser des terres partagées en des Etats séparés : on parle volontiers de Terre Sainte pour éviter de parler de l’Etat d’Israël ou d’une Palestine toujours embryonnaire et indéterminée, surtout dans les instances chrétiennes qui s’adressent à la clientèle de pèlerins ou de volontaires.

A cet égard, les Eglises orthodoxes ne nomment jamais l’Etat hébreu pour les pèlerins à l’exception du responsable actuel de la Mission ecclésiastique du Patriarcat orthodoxe de Moscou à Jérusalem. C’est nouveau.

Ces structures chrétiennes sont désormais sous la juridiction du gouvernement israélien. Celui-ci affirme sa réalité par des mesures qui viennent rompre des décisions prises entre le Moyen-âge et la colonisation du 19e et 20e siècles dans la région.

Exemption d’impôts fonciers, de frais divers (cela peut toucher le paiement de l’électricité, l’utilisation des sols), bref de tout un attirail d’éléments particuliers qui garantissait une gratuité, voire une sorte d’indépendance, d’autonomie quasi étatique à chaque communauté chrétienne jouissant de la protection extérieure de puissances occidentales ou russes.

Certaines organisations ont ainsi agi et continuent de vouloir le faire comme en déni de la reconnaissance du droit qui est du ressort des Autorités israéliennes. On assiste ainsi à des comptabilités multiples, également basées à l’étranger – c’est-à-dire en-dehors de la zone proche-orientale concernée.

Du coup, des volontaires, des travailleurs temporaires souvent illégaux en Israël touchent des salaires de misère tandis que des fonds transitent sous le couvert de structure para-diplomatiques ou officielles (le nombre des Chevaliers et Officiers de tous acabit est saisissant). Dans ce cas, il ne s’agirait pas de corruption active ou tacite mais de prétendues résistances dans un contexte devenu défavorable pour certains.

Israël accepte que ses citoyens aient deux ou plusieurs nationalités reconnues. Depuis 1958, il est cependant interdit à tout membre de la Knesset (Parlement israélien) de disposer d’une autre nationalité que celle d’Israël. En 2015, ceci obligea certains députés à renoncer à leur citoyenneté russe (Ksenia Svetlova, Juive immigrée à l’âge de 14 ans, spécialiste du monde arabe, Abu Maaruf, Druze devenu médecin en Union Soviétique), Rachel Azaria (passeport américain), Hayyim Yalin (Juif argentin de naissance).

Que penser lorsque la situation est inversée et que des candidats de citoyennetés française et israélienne sont autorisés, par la République française, à se présenter légalement à la députation pour représenter uniquement les citoyens français ès qualité dans la 8e circonscription des Français de l’Etranger du Proche-Orient (Chypre, Italie, Saint-Marin, Saint-Siège, Grèce, Turquie, Israël, Malte). Ils sont représentés sans distinction d’origine culturelle, confessionnelle ou régionale.

Où se situe alors la véritable allégeance de représentativité nationale ? Et sans l’assentiment préalable des Autorités israéliennes, en l’occurrence le Ministère de l’Intérieur ou Misrad HaP’nim/משרד הפנים.

D’un côté, les Juifs français ou les Français juifs sinon de confession mosaïque, comme d’autres dans le monde, spéculent à l’année sur le sens et le contre-sens de leur présence au sein d’une entité-nationalité qui peut être hostile, voire supposée ou réellement antisémite.

De l’autre, le choix radical d’adhérer irrémédiablement à la seule citoyenneté israélienne. Ce choix reste une décision trop abrupte pour des Occidentaux plutôt sédentarisés en une douce Europe occidentale. Les erreurs s’estompent tandis que d’aucuns n’ont de cesse que de les rappeler en boucle sans prendre conscience que cela finirait par irriter des personnes que l’on s’empresserait de mesurer en pourcentages.

Moralisation ou confiance ? Israël a libéré, ce dimanche 2 juillet, Ehud Olmert, l’homme politique qui avait eu une destinée exceptionnelle comme Maire de Jérusalem, comme ministre des Affaires étrangères, comme Premier Ministre de l’Etat hébreu, confondu par des imbrications de corruption à la proche-orientale israélienne.

Certains notent qu’il a commis bien moins de méfaits que d’autres qui restent aux commandes de l’Etat. La lutte contre la corruption prend des dimensions tellement vastes que résorber le mal, s’y attaquer semble vain.

Dans le cas du député élu pour représenter la 8e Circonscription, Français bi-national de confession juive, ayant usé de méthodes dénoncées de manière virulentes par des citoyens français vivant en Israël, Juifs et non-Juifs scandalisés par les méthodes employées, il semble que personne n’ait déposé de recours contre lui, comme si tous les abus étaient hors d’atteinte de la Justice républicaine. Celle-ci a permis son élection et l’a confirmée.

Dans ce cas de non-protestation et de non-contestation officielles, toutes formes de dénonciation verbale ou écrite s’avère nulle et non avenue et tel est bien le problème de certaines situations qui, d’apparence corrompue, finissent par se fondre dans la voie de la légalité.

Morale ? Comme c’est étrange ! En hébreu, la phrase consiste presque en des allitérations : « Moussar ? Kamah mouzar / מוסר? כמה מוזר! » 

La lutte pour le pouvoir conduit souvent, très souvent, l’être humain à se détourner du droit chemin. Ensuite, chacun ira de son couplet éthique: la loi sert les citoyens, pas nécessairement tous les résidents, les habitants d’un pays. Les règles édictées assurent des interdits ou donnent des passe-droits.

La morale comme « moussar/מוסר » (cf. l’adjectif « massorti/מסורתי », dit « conservative movement » lié à l’éthique religieuse juive) insiste sur la capacité de l’être humain – hommes et femmes – de pratiquer les Mitzvot/מצות – Commandements de manière à relever le niveau de conscience personnelle et collective, de lutter contre les impulsions contraires au bien. Ce Moussar (Proverbes 1,2  [Mishaleyמשלי]) est une éthique de la vie qui s’acquiert par l’étude la la Torah et qui, comme souvent, dans les traditions liées à la foi, peut être « dure » ou « montante ».

Comme si le non-respect des principes de vie conduiraient à des punitions graves ou, au contraire élever l’âme. Le mouvement Moussar fut initié par le Rabbi Yisroel ben Zeev Wolf Lipkin dit Salanter de Lithuanie (1808-1883, mort à Königsberg) qui insista sur la valeur d’une « discipline ou conduite morale = « moussar/מוסר » qui ne saurait jamais se borner à des formes ritualistes.

Au contraire, le Moussar et l’étude se doivent d’ouvrir à mettre en pratique les paroles divines comme sources de contacts, de dialogues, d’amélioration des relations personnelles et sociales.

Bien avant Sigmund Freud, le Rav Salanter (Lipkin) avait repéré et défini l’existence du conscient et de l’inconscient et de leurs mouvements changeants. D’où l’incitation à trouver dans les Paroles la voie vers l’équilibre, un surcroît des capacités de l’esprit.

Cette même lutte semble aujourd’hui éclatée, fracturée. Il y a cette hésitation souvent masquée dans les désirs de tanguer a volo entre ce que le Rav Salanter définissait, en yiddish, comme un état qui pouvait être « klarer/ערקלאר » face à des impulsion « dunkler/דונקלער = sombres ».

Cela rejoint, dans une perspective parallèle qui semble assez éloignée le discernement des esprits tel qu’il fut établi par Saint Ignace de Loyola et que l’on trouve dans ses Exercices spirituels.

Il s’agit de même de trouver le chemin de la foi, chemin personnel par une fine analyse de la rencontre entre les actes , les pensées, les émotions, les intuitions, la correction personnelle pour atteinte plus de hauteur morale et spirituelle. Une introspection également proche de la psychanalyse sans être de même nature.

Il peut en découler une sorte de neutralisation des pulsions, une prise de contrôle de dynamiques morales qui dépassent largement la volonté humaine ; elles ont pour but d’ouvrir sur l’épanouissement et non la captation de techniques.

L’exemple actuel de la France et des péripéties d’une République en Marche sous la conduite du Président Emmanuel Macron ouvrent sur tous les poncifs de travers qui semblent indéracinables. Le pays est rongé par un système judiciaire qui met en examen plus vite que l’ombre de ceux qui n’auraient jamais pensé faire quoi que ce soit d’illégal – rien que de l’ordinaire au fond… D’autres se rebellent de manière outrancière.

Le pouvoir est qualifié de monarchique, bonapartiste, autoritaire, personnel, avec, en dernier, une touche d’excès pharaonique (sic) pour un jeune Emmanuel Macron dont on ne saisit pas les codes, les logiciels pour parler à la mode. Cela tournerait aux hiéroglyphes du Louvre ou de la Place de la Concorde, la prestance jupitérienne en grande vitesse sur les pavés qui mènent, à rythmes réguliers, vers le Château de Versailles.

Et lorsqu’un bout semble cohérent, on découvre qu’il utilise déjà d’autres ficelles. Le pouvoir médiatique y perd un latin oublié depuis belle lurette et s’attarde dans des non-stops balbutiants sur la couleur des images, les tenues vestimentaires, les procédures révisées à la hâte. La « plèbe » lettrée et bourgeoise s’insurge dans des insoumissions de pacotilles, aux parfums de fraises tagadas.

D’autres sont admirables : il est temps de le devenir – à tout le moins de prétendre être stupéfait par le parcours d’un « inconnu ».

Etre inconnu ou à peine repéré dans son cercle aux allures ghettoïsantes ne signifie nullement que le nouveau président n’avait pas élaboré, depuis longtemps et avec patience, ses propres réseaux qui ouvrent sur de nombreuses faisabilités… Et tous ces titres rigolards à la gauloise, de Jupiter, Napoléon IV, avec un zeste de Louis XIV révèlent plutôt la peur d’abus de pouvoir, de non-respect des institutions, de médiocrités cachées, de vices de formes (certains lapins ont été levés… et alors ! la France a des serviteurs régaliens, comme ça qu’on dit Monsieur!!).

D’autres lancent des suppositions de sortie : et si c’était les prémices d’une fin de cycle historique qui se terminerait en chaos… à moins que l’Emmanuel ne soit qu’une bulle qui éclatera sans lendemain.

Et si, en fait, les intuitions ou les fulgurances politiques du nouveau président français et des collaborateurs qu’il cooptent ou qui se joignent de manière diverses à un projet de relance de l’Hexagone comme membre de l’Europe… et si tout cela était mené d’une manière devenue totalement opacifiée pour des citoyens et des acteurs de la vie publique, les commentateurs qui restent bouche bée. Ou ne savent plus que critiquer en se référant au passé sans discerner le présent et l’avenir… et surtout, sans que l’estocade n’atteigne sa cible.

Il faut construire après-demain et même bien plus loin.

Et la morale, bordel!, aurait crié Maurice Clavel. Comme c’est étrange cette vie faite d’inattendus plus féconds que le train-train routinier. Les insoumis se mettent naturellement en grève, parlent arsenic et vieilles dentelles.

Ça marche.

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